Avocat au Barreau de Grenoble

Droit de visite et d'hébergement des grands-parents

Édité le 08 octobre 2025
par Sébastien Klainberg-Brousse

Table des matières

Base légale

  • Article 371-4 du Code civil : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non… » (Legifrance).
  • Compétence du juge aux affaires familiales (JAF) : le JAF statue au regard exclusif de l’intérêt de l’enfant ; il peut entendre l’enfant s’il est capable de discernement ou si l’enfant le demande (cf. Service‑public).

 

FAQ – Droit de visite des grands-parents

1) Quel est le principe ?

L’article 371-4 du code civil dispose que l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents et que seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit.

En cas de conflit entre les grands-parents et les parents de l’enfant, les grands-parents peuvent saisir le Juge aux affaires familiales afin qu’il fixe à leur profit un droit de visite, qui peut s’exercer à la journée, voire même un droit d’hébergement, l’enfant restant dormir chez ses grands-parents.

2) Qui décide ? Quelle juridiction est compétente ?

Le juge aux affaires familiales (JAF) du tribunal judiciaire du lieu de résidence de l’enfant. Le ministère public peut être avisé ; l’enfant peut être entendu s’il est capable de discernement. L’intérêt supérieur de l’enfant guide la décision (stabilité, sécurité, continuité des liens…).

 

3) Quelles sont les raisons empêchant l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement au profit des grands-parents ?

Seul l’intérêt de l’enfant va permettre d’écarter la demande des grands-parents.

A titre d’exemples :

L’influence néfaste des grands-parents sur leurs petits-enfants

Leur incapacité à s’occuper de leurs petits-enfants

Un conflit tel entre les grands-parents et les parents qu’il rejaillit sur l’enfant

L’attitude interventionniste et invasive des grands-parents

L’absence de volonté de l’enfant d’avoir des relations avec ses grands-parents.

A ce titre, la Cour d’appel de Paris a été amenée à refuser le droit de visite sollicité par la grand-mère, en se fondant sur l’intérêt de l’enfant et les conclusions de l’enquête sociale, qui avait pu démontrer que les conditions matérielles d’accueil offertes par la grand-mère, le contexte psychologique fragile anxiogène pour l’enfant et l’attitude de dénigrement adopté par elle à l’égard du père contre-indiquaient tout hébergement (Cour d’appel de Paris, 08 janvier 2015, RG n°13/08469).

La Cour de Cassation a notamment pu juger que « l’attitude interventionniste et invasive du grand-parent, qui n’a pas eu conscience de la perturbation majeure qu’il avait provoquée, a plongé les enfants, qui ont rencontré un avocat et n’ont pas souhaité être entendus, dans une crise qui ne pouvait les concerner, de sorte que leur intérêt supérieur commandait, en l’état, de ne pas prévoir le rétablissement d’un contact avec leur grand-père » (Cour de cassation, Première chambre civile, 27 mai 2010, n° 09-65.838).

La Cour de cassation a également considéré que « si la mésentente des grands-parents et des parents ne constitue pas en elle-même un motif grave de refus de droit de visite, ce n’est qu’à la condition que cette mésentente ne rejaillisse pas sur l’enfant et ne présente pas un risque quelconque pour lui ». (Cour de Cassation 1ère chambre civile, 28 février 2006, n° 05-14.484)

La cour d’appel de Lyon a également rejeté, la demande de droit de visite et d’hébergement, du lundi au vendredi soir, formée par les grands-parents paternels, après le décès du père, au motif que « la place revendiquée par les grands-parents, si l’on considère l’étendue du droit qu’ils sollicitent, associée à la mauvaise image qu’ils ont de la mère de leur petit-fils, fait craindre une intrusion dans les relations mère-enfant et dans l’exercice de l’autorité parentale contraire à l’intérêt de ce dernier ». (Cour d’appel de Lyon, 21 février 2017, RG n°15/02574)

4) Quelle est la procédure à suivre ?

En premier lieu, seuls les grands parents ont qualité pour exercer une action en justice pour demander à exercer un droit de visite et d’hébergement sur leurs petits-enfants.

La procédure requiert obligatoirement l’assistance d’un avocat qui saisira le tribunal judiciaire et assignera les deux parents. Le Ministère Public est également partie à la procédure et donnera son avis.

Il appartiendra alors aux parents qui refusent que leur enfant ait des contacts avec leurs grands-parents de démontrer (par des échanges de SMS, de mails, des attestations de témoins, etc.) qu’il n’est pas de son intérêt d’avoir des relations personnelles avec eux.

Pour se forger son opinion, le tribunal peut ordonner, s’il en est fait la demande, une mesure d’enquête sociale, voire même une expertise psychologique. L’audition de l’enfant peut également être demandée, par l’enfant lui-même, par ses parents ou par ses grands-parents. Il faut cependant que l’enfant soit doté du discernement suffisant. A Grenoble, un enfant peut être entendu dès 9-10 ans.

5) Combien de temps dure la procédure ?

A Grenoble, il faut compter 18 mois pour obtenir un jugement. La partie perdante peut faire appel de la décision et il faut compter encore environ une bonne année pour obtenir une décision de la cour d’appel, soit environ 2 ans et demi cas d’appel.

6) Quelle est la fréquence du droit de visite et d’hébergement qui peut être accordé ?

Cette fréquence est à apprécier au cas par cas.

Une demande classique sera de l’ordre d’un week-end par mois, outre 5 jours pendant certaines petites vacances scolaires.

Mais cela peut-être moins notamment lorsque les parents sont eux-mêmes séparés et que l’enfant se rend déjà un week-end sur deux chez son père.

Celui-ci peut également être mis en place progressivement lorsque les grands-parents n’ont pas vu leurs petits-enfants depuis longtemps (exemple : une journée par mois pendant 4 mois, puis un week-end par mois).

En cas de conflit ou de fragilité, le JAF peut ordonner des visites médiatisées dans un Espace de Rencontre, avec un professionnel qui encadre et rend compte.

 

7) Qu’est-ce qu’une visite médiatisée ?

C’est une rencontre organisée dans un Espace de Rencontre, avec des professionnels formés. Le but est de maintenir ou restaurer le lien, puis d’évoluer vers des modalités plus larges si les indicateurs sont positifs. Le JAF précise la fréquence/durée et peut demander des rapports.

 

8) Quelles preuves sont utiles pour soutenir une demande ?

Les éléments montrant un lien antérieur réel et bénéfique : photographies, échanges, attestations, propositions de modalités raisonnables, capacité d’accueil des grands-parents (santé, logement), absence de pression sur l’enfant. À l’inverse, les parents qui s’opposent doivent établir des motifs graves.

 

9) Les sentiments de l’enfant suffisent-ils à refuser les relations ?

Non. La Cour de cassation a rappelé que le juge n’est pas tenu par les sentiments exprimés par l’enfant. Ils constituent un élément d’appréciation parmi d’autres ; le critère déterminant reste l’intérêt de l’enfant (Cass. 1re civ., 15 févr. 2023, n° 21‑18.498).

 

10) Les grands-parents peuvent-ils perdre leur droit de visite et d’hébergement ?

Oui, si la situation évolue ou si des éléments nouveaux montrent que les visites ou l’hébergement ne sont plus dans l’intérêt de l’enfant, les parents peuvent également saisir le Juge aux affaires familiales pour voir supprimer le droit accordé aux grands-parents.

 

 

11) Quels recours en cas de non-respect du droit de visite accordé aux grands-parents ?

Si le droit de visite ou d’hébergement a été accordé par le juge aux affaires familiales mais n’est pas respecté par les parents, les grands-parents doivent dans un premier temps rappeler aux parents les dispositions du jugement, soit par l’intermédiaire de leur avocat, soit par lettre recommandée avec accusé de réception.

Ils peuvent leur rappeler que ne pas remettre l’enfant en exécution d’une décision de justice est un délit pénal.

Si les parents s’obstinent à refuser de leur remettre l’enfant, les grands-parents peuvent aller déposer plainte dans le commissariat ou la gendarmerie la plus proche, pour non représentation d’enfant, délit prévu à l‘article 227-5 du code pénal comme étant « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer ».

Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Au soutien de leur plainte, les grands-parents devront apporter des éléments de preuve qui permettent de de caractériser l’infraction (échanges de mails ou SMS avec les parents, copie du Jugement rendu, courrier de l’avocat ou courrier recommandé, etc.).

Une saisine du JAF est également envisageable afin de voir fixer une astreinte.

 

12) Qu’est-ce qu’une astreinte ?

L’astreinte est une somme d’argent par jour (ou par semaine) décidée par le juge pour contraindre quelqu’un à exécuter une obligation (remettre des clés, fournir un document, respecter un droit de visite, retirer une publication, etc.).

  • Si l’obligation est exécutée dans les temps, rien n’est dû.
  • En cas de retard, le montant s’accumule jusqu’à exécution.
  • Le juge “liquide” ensuite l’astreinte (il fixe ce qui sera effectivement payé, en pouvant réduire/augmenter selon la bonne foi et les efforts).
  • L’argent est, en principe, versé à la partie qui subit le non-respect (et peut s’ajouter à des dommages-intérêts).
  • Ce n’est pas une amende pénale : c’est un levier de pression pour obtenir l’exécution.